Les intrigues de Calimshan

Palais royal de Sorfail.
Salle de réunion stratégique.

Les onzes guerriers de la Main Noire, véritable force de frappe personnelle du Pacha, occupaient chacun un des sièges disposés autour de l’immense table circulaire au plateau de marbre. Tous vêtus de fines armures de combat constituées d’écailles d’obsidienne et encapuchonnés, ils ne pipaient mot. Yiarris, représentant de la puissante organisation à Calimport, subissait les foudres de son maître, l’irascible pacha Artemis Entreri.

- Mais bon sang, Yiarris, vous n’êtes vraiment qu’un abruti fini ! Je ne pourrais décidément jamais vous faire confiance !
Equipé de son habituelle armure de combat, celle-ci, malgré une apparence de vieille armure de cuir rapiécée, était en réalité une prodigieuse protection sophistiquée aux multiples usages. Il tenait à la main son poignard habituel, à la lame de titane argentée terriblement acérée. Trépignant, il faisait les cent pas autour de la table, jouant négligemment avec son arme, tout en adressant d’acerbes reproches à son subalterne direct, et souffre douleur favori. Yiarris tenta courageusement de lui faire face et de répondre :
- Maître, je vous prie de m’excuser…
- Silence ! Je n’ai que faire de vos piètres tentatives d’adoucir mon jugement à votre égard. La situation est en train de basculer, et de nous échapper. Par votre faute, et à cause de votre insupportable incompétence !
- Je vous adjure de…
- Taisez vous ! Puisque vous semblez avoir la mémoire si défaillante, il convient donc que je vous fasse un petit rappel…
Nous étions venus sur Sorfail, à cause d’une attaque de pirates rebelles au cours de notre voyage vers Amkethran, et contraints de nous poser en hâte dans l’attente des réparations du Carsomyr, j’en avais profité pour arranger les arcanes du pouvoir ici. Mon plan semblait se dérouler à merveille, continua t’il sur son ton doucereux, tout en continuant de faire le tour de la table. Märn avait disparu, et un homme fort avait pris sa place à la tête de la planète, selon les apparences pour ce bas peuple.
Une mécanique bien huilée ! Un système géopolitique changé et arrangé selon ma convenance. Mais, malheureusement, pour moi – et surtout pour vous – un grain de sable inappréciable est venu se glisser dans cette mécanique.
Auriez-vous l’extrême gentillesse de nous rappeler comment est-ce arrivé, Yiarris ? Demanda Entreri, comme s’il s’adressait à un demeuré. Celui-ci, devenant rouge pivoine, et suant à grosses gouttes parvenait difficilement à respirer. J’attends !
- Euh… Quelqu’un a été trop bavard et la supercherie a été éventée.
- Et qui est le sinistre crétin qui a eu la langue trop longue, mon cher ? Ce cher Yiarris… Tellement prévisible. Vous ne supportiez pas l’attente et avez négligé toute prudence lors de vos escapades nocturnes dans les tavernes miteuses qui jalonnent le Port Maritime. Du même coup, le lendemain, toute la planète était au courant de notre ruse !
- Je vous en prie…
- Taisez-vous. J’ai pris une décision à votre égard, Yiarris. Las de vos échecs répétés, de vos piètres prestations dans les missions que je vous avais confiées, ou encore de vos déplorables manques intellectuels, j’ai pensé que vous aviez fait votre temps. Je pense d’ailleurs avoir été extrêmement patient à votre sujet, trop sûrement.
- Laissez-moi une dernière chance de me racheter !
- Il est trop tard pour ce genre de faiblesses.

Sur ces mots, d’un geste d’une rapidité irréelle, le Pacha de Calimshan lança son poignard, qui cloua Yiarris contre le dossier de sa chaîse dans un sifflement. Celui-ci mourut, une expression de terreur indicible aux yeux. Les autres assassins n’avaient pas esquissé le moindre geste ou présenté le moindre tressaillement. Entreri s’approcha du siège de Yiarris, récupéra sa lame et l’essuya dans un mouchoir qu’il jeta ensuite négligemment sur le cadavre encore chaud.

- Maintenant que cela est fait, nous pouvons passer à l’ébauche d’une tentative de riposte. Jaërl, vous prenez temporairement le poste de Yiarris. Dagon, allez me chercher Jarl Oresdör, nous devons pouvoir renforcer nos positions avant d'aller régler son compte à Gotoh.

[HRP : M'est venue l'idée d'écrire une suite à ce RP inachevé commencé il y a trèèèès longtemps, je posterais donc sporadiquement des bouts de suite.]

Citation :

Annexe géographique : Le découpement territorial des planètes de l’Empire
Le pouvoir de l’Empire de Calimshan a toujours été très majoritairement centralisé sur la planète mère, Calimport. Le gouvernement intérieur des planètes était généralement laissé à la libre appréciation des régents nommés par le Pacha.
Avec une urbanisation et terraformation de plus en plus importantes, les planètes colonies sont arbitrairement séparées en plusieurs « zones », lesquelles ne peuvent pas être autonomes et dépendent les unes des autres.
C’est notamment le cas de Sorfail, qui est divisée en quatre zones : la zone Nord-Est, la zone Nord-Ouest, la zone Sud-Ouest et la zone Sud-Est. La zone la plus importante étant la zone Nord-Est, car elle concentre l’ensemble des pouvoirs d’administration. Les trois autres zones quant à elles sont dirigées par des gouverneurs nommés directement par le régent. Les chantiers spatiaux et la direction de la Défense Autonome sont situés dans la zone Nord-Est tandis que chacune des trois autres zones possède une spécificité minière. La population, quant à elle, est majoritairement massée dans la zone d’administration, mais il existe également des cités résidentielles dans chacune des zones. Enfin, ces quatres zones sont séparées par des murailles protectrices titanesques et infranchissables à pied.

Palais royal de Sorfail.
Salle de réunion stratégique.

Le Pacha de Calimshan, Artemis Entreri, le régent de Sorfail, Hilgor Trasj, et Jarl Oresdör le représentant de la Main Noire sur Sorfail, étaient tous trois installés à l’imposante table de marbre de la salle stratégique. C’était une vaste pièce, pourvue de deux simples ouvertures qui ne laissaient passer que peu de lumière. Les murs étaient recouverts d’immenses écrans et de supers ordinateurs. Au centre de la salle trônait une grande table de marbre, dont la surface disparaissait sous l’entassement de dossiers en tous genres. Les trois hommes discouraient à voix basse, la mine sombre. Agacé par la tournure que prenait le débat, Entreri déclara :

- Veuillez avoir l’obligeance de passer au point suivant, Trasj.
- Bien. Il ne s’agit que pour l’instant d’émeutes et de manifestations violentes dans les rues de la capitale, Almraiven. J’ai ordonné une répression en évitant le plus possible l’usage de la violence. Je ne peux pas prédire la réaction du peuple en cas de morts d’hommes.
- Non, non. Dîtes à vos forces armées qu’elles ont carte blanche pour faire usage d’armes à feu. Ces abrutis comprendront qu’ils ont dépassé les bornes et cesseront ces stupides émeutes. Si jamais elles prennent une ampleur plus importante, vous ferez arrêter, et exécuter les meneurs en place publique. De plus, les membres de la Main Noire infiltrés parmi le peuple saperont leur moral. Nous…

La porte s’ouvrit alors en grand, et un homme, couvert de sueur et épuisé après une longue course, l’air alarmé entra sans se soucier des convenances. Il courut vers les trois hommes et s’écria :

- Maître ! Les zones Nord-Ouest, Sud-Est et Sud-Ouest viennent de clamer leur indépendance !

Abasourdi par la nouvelle, Jarl Oresdör et Trasj restèrent sans bouger, tandis que’Entreri se leva vivement et saisit le soldat aux bras.

- Qu’avez-vous dit soldat ?!
- Les trois autres zones de la planète viennent de déclarer leur indépendance vis-à-vis de l’Empire. Ce n’est pas tout. Ils ont reconnu l’autorité d’un chef unique.

Pris d’un sombre pressentiment, le pacha lâcha le soldat et se tourna vers la porte. Dos tourné au soldat, ce n’est que quelques secondes plus tard qu’il se risqua à demander :

- Ont-ils mentionné le nom de ce chef ?
- Ils ont donné un nom…
- Lequel ?
- Le Marquis de Valmor.

L’annonce jeta comme un froid sur l’assemblée. Jarl Oresdör et Hilgor Trasj jettèrent un regard appeuré à l’irascible pacha, qui leur tournait le dos et assistait au magnifique coucher du soleil, qui plongeait dans l’immense océan de la capitale. Finalement, il se retourna brusquement, et fit signe au soldat de rester ici et de s’assoir. La nouvelle Sainte Lame de l’Empire, Oresdör, prit le risque de demander, d’une voix inquiète :

- Vous le connaissez, maître ?

Entreri resta un instant silencieux, abîmé dans la contemplation de sa lame brillante, comme perdu dans ses pensées et ses souvenirs. Il se décida finalement à relever la tête, prit une longue inspiration, et darda son regard perçant sur le commandant de la Main Noire. Il lui répondit ensuite d’une voix calme, qui ne dissimulait toutefois pas entièrement son appréhension.

- Si je le connais… Le Marquis de Valmor est l’un des hommes les plus dangereux de la galaxie – si toutefois on peut le considérer comme un homme.
Nous avons une sanglante et meurtrière histoire commune… Mais il ne sert à rien de ressasser le passé. Il semblerait que nous ayions de nouveau à nous combattre !
- Que devons nous faire, maître ? Osa demander Jarl Oresdör.
- Et bien, voilà une question intéressante, Sainte Lame. Il nous faut d’abord veiller à ce que la zone Nord-Est demeure loyale à l’empire. Pour ce faire, donnez l’ordre aux agents de la Main Noire de supprimer les leaders rebelles et de s’assurer que la population reste calme. Veillez également à placer des hommes de confiance au Palais, pour en assurer la sécurité.
- À vos ordres maître.

Sur ces mots, Jarl Oresdör, Sainte Lame de l’Empire de Calimshan, sortit en vitesse de la salle de réunion stratégique, laissant derrière lui un soldat désemparé et le silencieux régent de Sorfail, Hilgor Trasj. Celui-ci se leva brusquement, et prit la parole :

- Maître… Permettez moi de me retirer, il est nécessaire que je donne des instructions aux généraux qui nous restent fidèles.
- Non, restez ici, Hilgor. Depuis cette salle, vous devez être en mesure d’établir des connexions avec tous vos généraux, mais aussi avec le reste de l’Empire.
- Cela doit être possible, maître, mais nous devons…
- Chaque chose en son temps ! Laissez moi d’abord réfléchir… Il est nécessaire de protéger les Murailles. Nous sommes exposés à une attaque maritime de la zone Nord-Ouest – soyez certain que jamais Valmor ne nous laissera nous organiser bien longtemps – aussi faites prévenir les amiraux de la flotte de guerre. Prévenez aussi les généraux en qui vous avez le plus confiance et faites transiter la majeure partie de vos divisions blindées à la frontière avec le Sud. Armez également des missiles interplanétaires et désignez moi les généraux à la loyauté douteuse. Enfin, vous m’initierez une communication avec l’amiral Cobnec et le Régent Xobryn.
- À vos ordres, maître.
- Quant à vous soldat, quel est votre nom ?

Le soldat rougit et baissa les yeux devant le regard inquisiteur, dur et menaçant du terrible souverain de l’Empire. Il réussit toutefois à reprendre une position martiale, droit et fier dans son uniforme noir et écarlate, et répondit, aussi calmement qu’il le pouvait :

- Caporal Mirael, de la XIIIe compagnie, maître.
- Fort bien… Je vous fais capitaine, et je vous confie une mission très importante, Mirael. Prévenez le Major Hâron que je l’attendrais ici même, au Palais. Dites lui de me rejoindre avec ses hommes.
- Merci maître. À vos ordres, maître.

Le nouveau capitaine quitta précipitemment la salle, cachant difficilement sa joie. Artemis Entreri se retourna alors vers Hilgor Trasj, qui pianotait frénétiquement sur les claviers tactiles holographiques muraux.

- Que se passe t’il, Régent ?
- Maître… Je ne comprends pas… Répondit Trasj avec une pointe de nervosité dans la voix.
- Je vous ai posé une question…
- Je n’arrive pas à établir de communications avec Amkethran, pas plus qu’avec Calimport.
- Bon sang… Et avez-vous contacté vos généraux ?
- Pas encore, je m’apprêtais à le faire.

Artemis Entreri vint se placer à côté du Régent. Les deux hommes, extrêmement tendus, le virent appuyer d’un geste assuré sur le portrait du général Reignar, commandant en chef des armées de la zone Nord-Est de Sorfail.

Ils restèrent silencieux et attendirent, l’inquiétude et l’appréhension grandissant dans leurs esprits. Après de très longues secondes d’attente, l’entêtant grésillement prit fin, et la voix claire du général retentit dans le haut parleur, son visage inquiet aux traits tirés apparaissant sur l’écran.
Entreri se détourna… Les communications avec le reste de l’Empire étaient désormais impossibles depuis le Palais royal de Sorfail. Il ne pouvait plus compter que sur les hommes dont il disposait actuellement. Une fois encore, il allait en découdre avec le Marquis de Valmor.